bonheur en tranches

Et si le bonheur des uns faisait aussi le bonheur des autres…

Balade Irlandaise

2 commentaires

Beaucoup de temps, beaucoup d’eau, tout plein de ponts.
Divorce, maladies, déménagements, incendies, vacances…
Et puis, déjà, tu rentres au secondaire.

Une semaine avant la rentrée, l’insomnie commence ses visites impromptues.

T – Je n’arrive pas à dormir, je ne sais pas pourquoi, mais reste avec moi maman, stp ».
Tes doigts agrippent mon t-shirt, tes yeux supplient.
M – Tu as l’air inquiet… Qu’est-ce qu’il y a mon coeur?
M – Sais pas.
Tu geins, tu fais des bruits d’animaux souffrants, de dinosaure triste, de chiot qui pleure – ça te fait du bien, ça te gratte la gorge.
M – C’est la rentrée?
T – Peut-être… Mais reste, OK? STP!

5h, 6h, plus la rentrée approche, plus la latence vers le sommeil s’étire. Comme si en fermant les yeux l’inconnu pouvait t’assaillir, par derrière et par surprise.

Jour J. Tu croises un copain au feu rouge devant le grand collège. Tu coupe ton cordon plus vite que prévu et je soupire, à la fois de soulagement et de temps qui passe trop vite. J’ai hâte à ce soir pour que tu me raconte.
Je retourne à la maison en me répétant comme un mantra que ça ira, que tu vas t’amuser, découvrir tout plein de choses fascinantes qui nourriront ton imagination et ton petit coeur de petit grand de 10 ans. Et mes doigts se croisent et s’entortillent sur le volant.

La journée passe, j’ai de quoi m’occuper. Au retour tu me raconte. Ça s’est plutôt bien passé, il manquait un prof, tu as eu plus de temps libre que prévu, ça t’a fait plaisir. Et c’est tout.

Et puis le soir, pendant que je me brosse les dents, tu chantes. Une chanson d’espoir, de guerre et de liberté qui me touche.

M – C’est beau! C’est quoi?
T – C’est le prof de musique, il nous a fait chanter cette chanson.
M – Tu as une très belle voix! C’est tout doux de t’écouter… C’est de qui?
T – Eu… Un mec… Y s’appelle quelque chose comme Renaud Séchant…

Quand tes enfants apprennent en classe les chansons de tes chanteurs préférés d’adolescence, c’est que tu dois être bien vieille. Tu as l’âge des nouveaux classiques. Soit!

On trouve l’originale et on l’écoute avant de dormir. Elle est douce comme une berceuse. Et tu pose tout plein de questions sur la guerre d’Irlande. Et puis, très vite, tu ramolli.

Demain, je te parlerai de Renaud, puisque quelqu’un d’autre a ouvert la porte de ta curiosité.

Ce soir tu as glissé tout seul vers le sommeil profond. Tu ne t’es pas réveillé de la nuit. Et quand je suis venue te réveiller ce matin, tu dormais toujours à points fermés. Encore un soupir de soulagement. Tu auras une belle journée reposée.

Au petit déj, je te parle de Renaud. Je te confie qu’une de ses chansons, Mistral Gagnant, me fait pleurer presqu’à chaque fois. Je ne sais pas pourquoi. Comme une petite valse de bitume qui bouleverse mon coeur fleur bleue de grande gamine de trente quinze ans. Alors dans l’auto, on se rince les oreilles avec la douce mélopée, en boucles. On a le temps de l’écouter 6 fois entre la maison et l’école. Dans les pauses, tu la fredonnes. Elle te touche donc toi aussi.
Et ensemble, on se balade le long de l’allée de mes souvenirs, on respire ce petit matin de nostalgie, on emprunte ce nouveau pont entre mes années de secondaire et les tiennent. Un nouveau lien rassurant auquel tu pourras t’accrocher pour avancer tout seul vers ton adolescence à toi.

Va, mon ange, la vie t’attend. Je reste là, tout près, si tu as besoin d’une vieille branche pour t’accueillir quand tu voudras reprendre un peu ton souffle…

2 avis sur « Balade Irlandaise »

  1. Tu écris merveilleusement bien. J’attends ton livre😉

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire